Bien sûr, au mois de mars, nous attendons tous traditionnellement l’arrivée du printemps et le passage à l’heure d’été (c’est bon pour le moral)… mais cette année, nous savons que vous attendiez surtout la suite de la saga juridique «congés payés et maladie. Ça y est, les bases des futures règles sont lancées et on vous explique tout !
Acquisition des congés payés pendant la maladie : projet d’amendement et avis du Conseil d’État
Les dispositions du code du travail ayant été reconnues non conformes au droit européen par la chambre sociale de la Cour de cassation le 13 septembre 2023, le Gouvernement s’était engagé à modifier les règles pour encadrer et sécuriser les règles d’acquisition des congés pendant un arrêt maladie (👉 retrouvez nos précédents articles sur le sujet dans l’actualité juridique du mois de septembre 2023 et de février 2024).
Dans ce sens, après avoir sollicité l’avis du Conseil d’État, le Gouvernement a déposé à l’Assemblée nationale un amendement au projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) le 15 mars dernier.
Voici les principaux points d’évolution à retenir à ce stade :
- L’acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail d’origine non professionnelle serait limitée à 4 semaines par période de référence, soit 2 jours ouvrables par mois dans la limite de 24 jours ouvrables. Pour un salarié qui serait malade sur l’ensemble de la période d’acquisition des congés payés (soit du 1er juin au 31 mai ou autre période selon dispositions conventionnelles), la 5ème semaine légale de congés payés et les autres types de congés éventuellement applicables dans l’entreprise (congés d’ancienneté, congés supplémentaires…) ne seraient donc pas acquis. Cette limitation est conforme au droit européen qui consacre un droit au repos de 4 semaines.
- Cette limitation ne s’appliquerait pas aux arrêts de travail d’origine professionnelle. Les salariés en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle continueraient donc d’acquérir cinq semaines de congés payés en cas de suspension du contrat de travail pendant la totalité de la période d’acquisition des congés payés. Cette acquisition ne serait plus limitée à une année comme le prévoyait jusqu’à présent les dispositions légales.
- Au retour de l’arrêt de travail, l’employeur aurait l’obligation d’informer par écrit le salarié dans un délai de dix jours en indiquant :
- le nombre de jours de congés dont il dispose (qu’ils aient été acquis avant ou pendant l’arrêt de travail),
- la date jusqu’à laquelle il pourra les prendre.
Dans le cas d’un arrêt de travail supérieure à un an à l’issue de la période d’acquisition, ce délai de 15 mois débuterait automatiquement au terme de cette période afin de ne pas créer un droit « illimité » aux congés payés.
- Concernant la question de la rétroactivité, le projet de texte prévoit une application rétroactive à partir du 1er décembre 2009 pour les salariés dont le contrat est toujours en cours. Cette rétroactivité serait cependant dans les faits limitée car soumise au principe d’écrêtage issu de la période de report limitée à 15 mois. Le projet de texte prévoit également un délai d’action maximum de deux ans pour agir en agir à compter de l’entrée en vigueur de la loi.
- Pour les salariés dont le contrat de travail est rompu, la loi prévoit l’application du délai de prescription relatif aux salaires, à savoir 3 ans. Les anciens salariés ayant quitté l’entreprise depuis plus de 3 ans à la date de publication de la future loi ne pourraient donc plus agir en justice.
Ce projet a été adopté dès le 18 mars en 1ère lecture par l’Assemblée nationale.
L’ensemble du projet de loi DDADUE poursuit désormais son chemin législatif : examen en commission mixte paritaire, adoption par le Sénat prévue le 9 avril et adoption définitive par l’Assemblée nationale le 10 avril 2024. Il est cependant fort probable, compte tenu de l’enjeu du sujet, qu’une nouvelle saisine du Conseil constitutionnel ait lieu.
Les prochaines semaines s’annoncent donc décisives pour confirmer les futurs règles applicables.
Egalité professionnelle : bilan de l’Index 2024 et pistes d’évolution
Obligatoire pour toute entreprise de plus de 50 salariés, l’index de l’égalité professionnelle doit être calculé et publié chaque année avant le 1er mars.
Le ministère du Travail a donc pu dévoiler le 8 mars dernier les résultats pour l’année 2024.
Au 1er mars 2024, 77% des entreprises concernées ont publié leur note (vs 72% en 2023 et 61% en 2022).
Sur la base de 4 à 5 indicateurs permettant de calculer une note sur 100 points, la note moyenne des entreprises reste stable en 2024 avec une note de 88/100.
93 % des entreprises obtiennent une note égale ou supérieure à 75 points, seuil en dessous-duquel des mesures de correction doivent être prises.
Pour rappel, des pénalités sont prévues en cas de non-publication de l’index ou en l’absence de publication des mesures de correction. Depuis 2019, 857 mises en demeure ont été prononcées par l’inspection du travail.
En complément, les entreprises d’au moins 1 000 salariés doivent publier 2 indicateurs supplémentaires permettant d’évaluer la proportion de femmes sur des postes de direction. Seules 58% des entreprises concernées ont déclaré leurs résultats (en notant tout de même une progression de 9 points par rapport à 2023).
Parmi celles-ci, 57% comptent moins de 30% de femmes parmi leurs cadres dirigeants (60% en 2023) et 38% ont moins de 30% de femmes dans les instances dirigeants (44% en 2023). Pour rappel, la loi Rixain a fixé cet objectif de représentation de 30% à atteindre au 1er mars 2026 et de 40% au 1er mars 2029. Les entreprises concernées disposeront alors d’un délai de 2 ans pour se mettre en conformité avec ces objectifs, sous peine de pénalité financière.
En lien avec ce bilan, le Haut Conseil à l’Egalité (HCE) entre les femmes et les hommes a également communiqué des pistes d’évolution du calcul de l’index pour qu’il puisse être plus représentatif de certaines situations et plus facilement calculable.
Les axes d’amélioration évoqués sont notamment les suivants :
- Introduire de nouveaux indicateurs sur le temps partiel et les bas salaires ;
- Remplacer l’indicateur sur les écarts de rémunération par 7 sous-indicateurs plus fins ;
- Permettre une automatisation du calcul de l’index à partir de la DSN ;
- Harmoniser les indicateurs entre la BDESE et l’index.
Passeport de prévention : report de l’ouverture de la plateforme dédiée
Créé par la loi pour renforcer la prévention en santé au travail du 2 août 2021, le passeport de prévention, est censé recenser l’ensemble des attestations, certificats et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail.Accessible via le portail Mon compte Formation, le ministère du travail a annoncé que le portail ne sera finalement ouvert aux employeurs et organismes de formation qu’à partir de 2025. Sa mise à disposition était à l’origine prévue pour l’année 2024.
Jurisprudence : précisions sur la procédure de rupture conventionnelle.
Permettant de rompre un CDI d’un commun accord, la rupture conventionnelle doit être mise en œuvre dans le cadre d’une procédure spécifique.
L’organisation d’un ou plusieurs entretiens est notamment obligatoire pour s’assurer d’une concertation sur les modalités du départ : date de la rupture du contrat, montant de l’indemnité spécifique…Une convention de rupture est ensuite signée précisant ces différents points. Mais un délai minimum doit-il être respecté entre la tenue de l’entretien et la signature de la convention ?
Une salariée avait sollicité la nullité de sa rupture conventionnelle en invoquant un vice du consentement du fait que la signature de la convention de rupture avait eu lieu le même jour que l’entretien. L’entretien préalable était alors selon elle privé de toute portée.
Dans un arrêt du 13 mars 2024 (cass.soc n°22-10.551), la Cour de cassation écarte cet argument en constatant qu’aucun délai minimum n’est prévu par le code du travail entre l’entretien et la signature de la convention de rupture. Il est donc tout à fait possible que l’entretien et la signature de la convention surviennent le même jour.
Pour rappel, au lendemain de la signature de la convention de rupture se déclenche un délai de rétractation de 15 jours calendaires qui aurait pu permettre à la salariée de revenir sur son souhait de rompre son contrat de travail.
Ne loupez aucune actualité RH en vous abonnant à la newsletter Vie de Bureau :