Petit tour d’horizon des principales actualités juridiques de ce mois de janvier marqué notamment par un arrêt important de la Cour de Cassation dans l’affaire France Télécom.
Jurisprudence : consécration du harcèlement moral institutionnel
La décision de la chambre criminelle de la Cour de Cassation était fortement attendue tant le sujet était sensible. Souvenez-vous, en pleine restructuration de l’entreprise en 2008/2009, plusieurs salariés de France Télécom mettent fin à leurs jours. L’affaire est médiatisée et la responsabilité de l’entreprise et de ses principaux dirigeants, dont le DRH, est engagée.
Dans sa décision du 21 janvier 2025 (Cass Crim, n°22-87.145), la Cour de Cassation confirme les condamnations de la Cour d’appel et consacre la notion de harcèlement moral institutionnel.
Elle considère ainsi que constitue une forme de harcèlement moral pénalement répréhensible des agissements :
- visant à définir et à mettre en œuvre, en connaissance de cause, une politique d’entreprise,
- ayant pour objet de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés aux fins de parvenir à une réduction des effectifs ou d'atteindre tout autre objectif, qu'il soit managérial, économique ou financier,
- ou qui a pour effet une dégradation des conditions de travail de tout ou partie des salariés, susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de ces salariés, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel.
En l’espèce, il est reconnu que France Telecom a mis en place une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés et à créer un climat professionnel anxiogène, en recourant à des réorganisations multiples et désordonnées, des incitations répétées au départ, des mobilités forcées… L’objectif de l’entreprise était un plan de réduction des effectifs visant la suppression de 22 000 postes sur un total de 120 000 emplois sans procéder à des licenciements économiques ainsi qu’un plan de mobilité interne impactant 10 000 salariés.
La Cour de Cassation précise que la qualification de harcèlement moral ne nécessite pas que les agissements répétés s’exercent à l’égard d’un salarié déterminé ou dans le cadre de relations individuelles entre leur auteur et la ou les victimes. Elle admet donc une approche collective du délit qui peut être constitué sans que les dirigeants aient personnellement commis des actes de harcèlement sur des salariés identifiés.
Cette décision de la Cour de Cassation vient donc définitivement clore l’affaire France Telecom en confirmant les peines d’emprisonnement et d’amende que la Cour d’Appel de Paris avait prononcées en 2022 (notamment 1 an d’emprisonnement avec sursis et 15 000€ d’amende pour le PDG et son n°2).
Titres-restaurants : utilisation élargie confirmée jusqu’en 2026
Après quelques semaines de flottement sur le sujet du fait de la motion de censure du gouvernement Barnier, la prolongation de l’utilisation des titres-restaurant pour l’achat de produits alimentaires non directement consommables a été confirmée par le Sénat le 14 janvier dernier.
La loi du 21 janvier 2025 vient donc entérinée une prolongation jusqu’au 31 décembre 2026.
Salariés étrangers : renforcement des conditions de délivrance des autorisations de travail
Tout employeur souhaitant embaucher un salarié étranger (hors Union Européenne) doit vérifier que celui-ci a une autorisation de travail (sauf exceptions). Lorsque ce n’est pas le cas, l’employeur doit alors solliciter une demande d’autorisation en fournissant un certain nombre de documents fixés règlementairement.
Un nouvel arrêté du 3 janvier 2025 vient compléter cette liste de documents en ajoutant de nouvelles pièces obligatoires. Cet arrêté fait suite au décret du 09 juillet 2024 qui avait durci les conditions d’octroi des autorisations de travail depuis le 1er septembre 2024 (on en parlait par ici).
- Dans la situation où l’emploi proposé ne figure pas sur la liste des métiers en tension (liste définie par région par l’arrêté du 1er avril 2021), l’employeur doit démontrer qu’il n’a pas été en mesure d’embaucher de salariés français en 1er lieu. Pour ce faire, il est demandé de fournir une copie de l’offre d’emploi déposée auprès de France Travail avec une attestation de publication pendant 3 semaines consécutives dans les 6 derniers mois précédant la demande d’autorisation. L’employeur devra également établir un document mentionnant le nombre de candidatures reçues et attestant de l’absence de candidatures adéquates.
- Pour garantir le respect du paiement des contributions sociales, l’employeur doit désormais également fournir une attestation de vigilance de moins de 6 mois délivrée par l’URSSAF.
- Pour un emploi saisonnier, il faut également produire une attestation sur l’honneur de l’employeur indiquant que le salarié disposera d’un logement décent avec l’adresse du logement prévu.
Jurisprudence : parité des listes électorales et ordre de présentation des candidats aux élections professionnelles.
Pour rappel, lors des élections professionnelles, l’article L 2314-30 du code du travail prévoit que les listes de candidats doivent comporter un nombre de femmes et d’hommes proportionnellement à la répartition femmes/hommes de chaque collège en respectant une alternance de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.
Par exemple, pour 10 sièges à pourvoir dans un collège composé de 60% d’hommes et de 40% de femmes, une liste de candidats devra comporter 6 hommes et 4 femmes. La liste devra également respecter l’alternance, c’est-à-dire soit H-F-H-F-H-F-H-F-H-H soit F-H-F-H-F-H-F-H-H-H.
En l’espèce, lors de la négociation du PAP, il avait été prévu que les listes de candidats devraient commencer par un candidat homme, les hommes étant majoritaires dans l’entreprise. Un syndicat avait cependant déposé une liste en positionnant une femme en 1ère position. En 1ère instance, les juges avaient invalidé cette candidature qui ne respectait par le PAP.
Par un arrêt du 8 janvier 2025 (Cass soc, n°24-11.781), la Cour de Cassation censure cette décision en considérant qu’une disposition du protocole d’accord préélectoral (PAP) ne peut imposer un ordre d’alternance hommes/femmes aux organisations syndicales qui présenteraient des listes au 1er tour des élections professionnelles.
Il est donc d’ordre public que les listes de candidats puissent débuter par un homme ou une femme.
A noter cependant une exception prévue légalement lorsque la répartition des effectifs femme/homme au sein d’un collège conduit à ce que l’un des sexes ne soit pas représenté, une liste de candidat peut tout de même comporter un candidat de ce sexe sans pouvoir le mettre en première position sur la liste.
Retraites : une main retendue aux partenaires sociaux
Dossier social brûlant, la dernière réforme des retraites de 2023 est remise sur la table par le nouveau gouvernement Bayrou. Suite à sa nomination, le premier ministre a en effet annoncé la réouverture de négociations entre les partenaires sociaux afin d’identifier des pistes d’évolution de la réforme.
Une première réunion de cadrage avec la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet s’est tenue le 17 janvier dernier.
Dans leur cahier des charges, les partenaires sociaux auront l’obligation de trouver des financements pour tout nouvelle mesure qui pourrait être proposée et devront se baser sur le futur rapport de la Cour des comptes, missionnée en urgence pour déterminer l’état actuel du financement du système de retraites.
Une conclusion des négociations est attendue pour début mai avec, en cas d’accord, un engagement du Premier ministre de présenter les avancées dans le cadre du prochain Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS). A défaut d’accord entre partenaires sociaux, la réforme actuelle sera par contre maintenue sans évolution.
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