Soyons honnêtes. Nos boîtes mail sont devenues des tiroirs à bazar, remplies de discussions décousues. Les réunions peuvent s’enchaîner sans décision concrète. Les projets patinent souvent, englués dans des boucles de validation infernales… Personne n’a vraiment inventé l’antidote. Pourtant, parfois, il suffit d’un pas de côté pour gagner en clarté. Lever la tête (du guidon) et regarder ailleurs. Direction le pays du Soleil-Levant.
Un peu de zen dans l’open space
Le nemawashi est une pratique ancestrale japonaise qui pourrait bien révolutionner la communication au bureau. Nemawashi signifie littéralement “travailler autour des racines”. Cette méthode se préoccupe de l’invisible, mais aussi de l’essentiel : avant de transplanter un arbre, le jardinier prépare minutieusement le sol et les racines. En effet, la réussite de tout projet repose sur un art subtil de préparer le terrain.
Chez Sony par exemple, cette approche a transformé la gestion de projet. Désormais, les managers consacrent 60% de leur temps aux échanges informels avec leurs équipes. Cela peut sembler démesuré, pourtant, cette méthode réduit de moitié le temps de mise en œuvre des projets. Pourquoi ? Parce que les obstacles sont identifiés et désamorcés en amont. Le manager, tel un jardinier consciencieux, retire les cailloux avant de planter sur un terrain fertile.
L’art subtil de la pré-réunion
Mais comment cela fonctionne-t-il concrètement ? La véritable révolution du nemawashi réside dans son approche du consensus. Contrairement à nos réunions occidentales où les décisions se prennent dans le feu de l’action, le nemawashi cultive patiemment l’adhésion. Cette méthode repose sur trois piliers : la préparation, la consultation et le consensus. Prenons l’exemple de son implémentation chez Toyota.
- Il y a d’abord une consultation silencieuse : le manager sonde individuellement les parties prenantes clés avant de lancer un nouveau projet.
- Puis, place à l’irrigation des idées : le manager ou la manageuse collecte et intègre progressivement les feedbacks, en nourrissant le projet comme l’eau nourrit les racines.
- Enfin, arrive la transplantation collective : la réunion officielle devient une simple formalité, puisque le terrain a été bien préparé en amont.
Les bénéfices de nemawashi feraient rêver n’importe quel manager occidental :
- Les réunions deviennent courtes et efficaces ;
- Les collaborateurs adhèrent plus facilement aux projets ;
- La communication est bien plus fluide ;
- La résistance au changement disparaît avant même la réunion.
Transplanter nemawashi dans les entreprises françaises
Rassurez-vous : transposer ce concept japonais ne signifie pas renoncer à notre culture du débat. Pas question de copier-coller et d’attendre des miracles. Une culture n’est pas exportable. Cependant, c’est une invitation à enrichir nos pratiques managériales. Comme un jardinier qui adapte ses techniques au climat local, chaque entreprise pourrait trouver son équilibre entre la confrontation d’idées à la française et l’harmonie collective à la japonaise.
Comment faire ? Pour réussir cette acclimatation, quelques règles s’imposent :
- D’abord, identifier et consulter les décideurs clés avant toute réunion ;
- Ensuite, privilégier le dialogue individuel aux discussions de groupe ;
- Puis, prendre en compte tous les feedbacks pour enrichir le projet ;
- Et enfin, transformer la réunion formelle en simple étape de validation.
Mais le plus grand défi n'est pas technique, il est culturel. Dans les entreprises où les échanges humains se raréfient au profit des écrans, où les boucles d’emails remplacent les conversations, on s’accroche aux réunions comme aux derniers bastions d’interaction directe. Résultat ? Des séances chaotiques où tout le monde veut enfin s’exprimer, faute de pouvoir le faire en amont.
Le nemawashi nous rappelle cette sagesse simple : la réussite d’un projet dépend de ce qui se cultive sous la surface. Un arbre ne pousse pas plus vite quand on tire sur ses branches. Un projet n’avance pas plus vite quand on multiplie les réunions improductives. Accepterions-nous de reconnaître que la préparation, ce temps “invisible” est aussi précieux que le temps “visible” de la décision ?
Finalement, nemawashi n’est pas qu’une méthode de management. C’est une invitation à revenir aux fondamentaux : recréer du lien humain dans nos organisations. Une philosophie qui nous rappelle que la réussite, comme créer un jardin luxuriant, se cultive dans l’échange, la patience et la considération de l’autre. Loin des écrans interposés.