Squads, tribus, chapitres et guildes… Non, nous ne sommes pas dans une partie de Fortnite, mais au cœur du modèle de Spotify. L’organisation agile du géant suédois de streaming a fait beaucoup de bruit. La mélodie est envoutante : plus d’agilité, plus d’innovation, plus d’engagement. Une promesse séduisante qui soulève pourtant des défis majeurs. Car avec plus de 9000 collaborateurs à travers le globe, maintenir le tempo de l’agilité devient un exercice d’équilibriste. Et la partition, aussi brillante soit-elle, ne semble pas adaptée à tous les orchestres.
L’art de composer avec des équipes autonomes
Dans les coulisses de Spotify, vous trouverez un véritable village musical :
- Les squads, qui sont comme les groupes de musique, composés de huit personnes maximum. Chaque groupe est responsable de créer son propre morceau (une partie du produit Spotify). Ils choisissent leur style, leurs instruments et même leurs invités. Le leader du groupe émerge naturellement, comme dans une jam-session.
- Les tribus sont comme un festival de musique. Chaque tribu est un ensemble d’équipes regroupées autour d’un objectif commun (par exemple, une nouvelle fonctionnalité). Ces tribus veillent à ce que toutes les chansons s’accordent pour créer un projet global cohérent.
- Les chapitres sont comme des masterclass spécialisées. Par exemple, une masterclass pour les guitaristes, une autre pour les chanteurs. Ces sessions permettent aux musiciens de tous les groupes de perfectionner leurs compétences spécifiques.
- Les guildes sont comme des clubs de fans ou des forums de discussion ouverts à tous. Les passionnés de rock, de jazz ou de production musicale se réunissent ici pour échanger des idées, peu importe leur groupe ou leur festival.
Cette structure unique des équipes de Spotify vise à permettre à chaque collaborateur d’exprimer sa créativité tout en contribuant à l’harmonie globale de l’entreprise.
Toutefois, la vraie question n’est pas « Comment répliquer ce modèle ? », mais plutôt « Sommes-nous prêts à lâcher la baguette du chef d’orchestre ? »
La dissonance créatrice : pas d’autonomie, pas d’innovation
L’alchimie secrète du modèle, c’est un équilibre subtil entre l’autonomie et la responsabilité des salariés. Mais il y a un hic : on ne peut pas cloner une culture d’entreprise. Il ne suffit pas de copier-coller un organigramme et attendre une explosion de l’innovation.
Chez Spotify, chaque squad a la liberté d’improviser mais doit rester en harmonie avec l’ensemble. C’est bien la difficulté pour la majorité des organisations. Elles vénèrent l’innovation, mais elles craignent de lâcher le contrôle.
Le modèle traditionnel fonctionne selon une hiérarchie pyramidale : les normes sont imposées du haut en bas. Chez Spotify, les meilleures pratiques émergent dans les équipes et se diffusent du bas en haut.
Or, accorder l’autonomie aux collaborateurs, c'est accepter les fausses notes. C’est laisser ses équipes expérimenter, échouer, recommencer. Sans cette culture de l’apprentissage, point d’innovation. Et fatalement, moins d’engagement. Mais combien d’entreprises sont réellement prêtes à laisser davantage de liberté et d’autonomie à leurs collaborateurs ? Combien laissent vraiment la place à la vulnérabilité et à l’échec ? Sans doute une minorité.
Et ce n’est pas tellement une question de la taille de l’entreprise, mais de sa culture. Le modèle Spotify n’est pas un simple changement d’organigramme, mais une révolution culturelle. Il ne suffit pas non plus de donner des titres cool aux collaborateurs et aux équipes. Avant de vouloir copier un modèle d’organisation, posez-vous la question : Votre culture d’entreprise tolère-t-elle les bémols et les dissonances créatrices ?
Le modèle Spotify n'est pas une recette à suivre à la lettre. C’est plutôt une invitation à examiner sa culture et sa capacité à favoriser les apprentissages. Un original bien orchestré vaudra toujours mieux qu’une pâle reprise.