
À la loupe
Chaque semaine ce que nous disent les chiffres et les études sur le monde du travail
Le rapport thématique 2023 sur l’emploi issu de la mission Pisani-Ferry, publié par la DARES (Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques) et France Stratégie, analyse les créations et destructions d’emplois par métiers et par secteurs à l’horizon 2030.
Selon cette étude intitulée “Les incidences économiques de l’action pour le climat”, il apparait que ce sont les besoins et les investissements nécessaires à la transition écologique, publics comme privés, qui, quoi qu’il en soit, dicteront précisément le scénario. Et même si des incertitudes demeurent, les projections réalisées permettent d’établir à 200 000 le nombre d’emplois qui pourraient être créés afin de s’adapter aux nouveaux enjeux environnementaux.
Les métiers de la construction grands vainqueurs
Sur les quinze métiers gagnants étudiés dans le rapport, le secteur de la construction et de la rénovation verrait sa part d’emplois progresser de 130 000, avec une très forte proportion chez les ouvriers qualifiés du second œuvre (+ 28 000). Forcément corrélée, l’industrie des matériaux de construction : le secteur pourrait connaître une augmentation de besoins en ouvriers qui travaillent le bois et l’ameublement (+ 3 %) comme en ceux qui travaillent par « formage de métal » (+ 2 %). Même constat dans le secteur de la maintenance qui bénéficierait aux ouvriers qualifiés avec + 5 000 emplois liés à l’entretien d’équipements nouveaux justement nécessaires à cette transition écologique. Autre secteur positivement impacté, l’agriculture, avec une orientation biologique forcément plus intensive en main-d’œuvre et + 9 000 agriculteurs, éleveurs, sylviculteurs et bûcherons espérés. Enfin, la transition écologique rejaillirait favorablement sur les métiers de service aux entreprises, avec la création de 8 000 emplois de cadres administratifs, comptables et financiers, 5 000 emplois d’ingénieurs de l’informatique et 5 000 de personnels d’étude et de recherche.
Des destructions prévues dans les métiers polluants
Ce n’est guère une surprise, mais les emplois dits « bruns » donc polluants devraient subir des baisses pour certains, comme dans le secteur de l’automobile, déjà fortement impacté par sa décarbonation entamée. Avec la montée en puissance des véhicules électriques, le besoin en ouvriers qualifiés de la réparation automobile décrocherait, avec 3 000 emplois supprimés d’ici 2030. Si le rapport ne s’attarde pas sur une analyse précise par secteur, il met en évidence une tendance structurelle non négligeable : lorsque les modes de production se transforment et impliquent des destructions d’emplois, la réallocation de main-d’œuvre n’est absolument pas évidente, à l’instar de la désindustrialisation en France qui n’a pas vraiment profité aux actifs concernés ces vingt dernières années. Aussi, il ressort que sans une politique publique à la hauteur, la transition écologique pourrait, elle aussi, impacter négativement et durablement certains secteurs d’activité.
De nouvelles compétences à anticiper et accompagner
Qui dit créations d’emplois nouveaux dit besoins en main-d’œuvre et donc montée en compétences voire nouvelles compétences tout court. Le défi des prochaines années sera d’anticiper au plus juste ces besoins afin d’éviter de potentielles frictions dans ces métiers en croissance. Problème : certains seraient déjà lourdement impactés. Le rapport rappelle que parmi les quinze métiers qui gagneraient le plus d’emplois, deux sont déjà fortement touchés par un important manque de main-d’œuvre, les ouvriers du travail du bois et les personnels d’étude et de recherche. Par ailleurs, neuf métiers sur ces quinze nécessitent des compétences spécifiques qui, actuellement, sont quasi inexistantes sur le marché du travail français.
Est notamment pointé du doigt le rôle actuel et futur des pouvoirs publics dont l’ambition sera particulièrement scrutée ces prochaines années. Parmi les sujets à mettre sur la table et qui auront un impact sur le solde des emplois, celui de l’encouragement pour les entreprises à l’effort d’investissement financier et technologique dans les pratiques durables, des conditions de travail et de rémunération qui devront être attractives pour convaincre les jeunes générations et combler le besoin de renouvellement des compétences, ou encore de la formation adaptée aux besoins émergents.

Journaliste généraliste indépendante
Séverine est rédactrice en chef d’ÔRIZON le magazine de l’aéroport Toulouse-Blagnac, et journaliste généraliste indépendante collaborant avec divers…