Ils évoluent dans un monde parallèle. Un monde que l’on entrevoit au détour d’une publication ou d’une vidéo Instagram. Un monde qu’il est parfois difficile de regarder en face. Car ce monde-là fait peur, aucun parent n’a envie d’y habiter. C’est le monde des parents dont l’enfant est atteint d’une grave maladie.
Cela commence souvent par une intuition, un symptôme. Puis arrive un parcours, parfois long, ponctué de tests, d’analyses, de rendez-vous médicaux. Et enfin, un diagnostic : cancer pédiatrique, maladie génétique, maladie orpheline… Ces mots, implacables et terrifiants, marquent le début d’un nouveau quotidien. Un quotidien où il va être question de se battre, jour après jour. Un quotidien où le rôle de parents va côtoyer une nouvelle fonction : celle d’aidant. Un quotidien qu’il faut réinventer.
Cela commence souvent par arrêter de travailler
Contactée par téléphone, Amélie Aesbacher raconte que la question du travail ne s’est pas posée à l’annonce du diagnostic du cancer pédiatrique de son fils Léo, décédé à l’âge de 16 mois après de longs mois de combat. Elle était encore en congé maternité, et son mari Bastien a simplement prévenu son employeur. La nouvelle assomme, le travail n’est pas un sujet. Mais passé le choc de l’annonce, il faut quand même s’y pencher. L’entreprise de son mari a lancé le dispositif « dons de congés » qui lui a permis de bénéficier de six mois de congés payés offerts par ses collègues. Quant à elle, son médecin traitant l’a mise en arrêt-maladie. Elle précise d’ailleurs que rares sont les médecins qui acceptent de le faire. Dans ce cas, l’un des deux parents peut bénéficier d’une allocation mensuelle d’environ 1000 euros par mois.
Si le parcours de soin est bien pris en charge en France, il y a de nombreux « à côté » et l’argent peut rapidement devenir une problématique. Une grande partie des soins de Léo avait lieu à Paris et la prise en charge du voyage depuis Toulouse n’était prévue que pour un seul accompagnant. Il leur arrivait pourtant souvent de se rendre à Paris en famille, avec Tom, leur premier enfant. Cela leur a permis de passer tous ensemble les dernières semaines de vie de Léo. À leur frais. Dans ce cas, un système D se met en place. Leurs amis ont lancé une cagnotte en ligne, massivement partagée sur les réseaux sociaux, qui leur a permis de récolter 16 000 euros.
Des frais exceptionnels
Le système D fait aussi partie de la vie de Nate et de sa famille. Morgane May, à l’origine du compte Instagram @lesouriredenate, partage chaque jour son quotidien de mère d’un enfant polyhandicapé. Son fils Nate, âgé de bientôt 5 ans, est atteint d’une maladie génétique rare appelée « syndrome d’Allan Herndon Dudley ». Cette maladie, qui induit notamment une hypotonie axiale sévère, une absence de marche et de langage ainsi qu’une alimentation par gastrostomie, a été diagnostiquée alors qu’il avait peine quelques mois. Morgane a fondé une association qui lui permet de récolter des fonds pour acheter le matériel spécialisé non pris en charge dont son fils a besoin pour vivre, les stages intensifs, les séances de rééducation… Régulièrement, elle organise aussi des tombolas ou des courses solidaires.
Elle a également arrêté de travailler à l’annonce de la maladie de son fils. Le monde du travail n’est pas compatible avec les nombreux rendez-vous médicaux, généralement fixés à des horaires imposés. Amélie a essayé, un temps, de garder une petite activité professionnelle, mais travailler dans la chambre d’hôpital de son fils ou dans les espaces communs était presque impossible. Elle évoque aussi la perte de sens. Après avoir côtoyé ce qu’elle appelle « les abysses de la vie », elle se demande comment elle a fait pour travailler sept années durant pour des industries.
Morgane n’a jamais repris le travail depuis. Au détour d’une story, il lui arrive d’évoquer sa vie d’avant. Et de dire, à demi-mot, que son travail lui manque.