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Article - Générations

Les jeunes : vraiment impossibles à manager ?

personne senior devant un ordinateur avec un regard dubitatif

Générations

Quand une millennial explore le rapport au travail des différentes générations


Lorsque j'étais en agence, un jour, ma manageuse m'a dit : "Eléonor, tu es difficile à manager". Elle avait pourtant à peine dix ans de plus que moi et nous entretenions une bonne relation. J’admirais son ardeur au travail, elle aimait ma manière de travailler.

Mais il existait une différence majeure entre nous. Elle se dédiait corps et âme à l’entreprise, assez ambitieuse pour accepter les virages à 180° de notre patron et avaler les couleuvres des clients avec le sourire. Une superbe directrice clientèle, en somme.

A contrario, je ne m’empêchais pas de râler. Pas devant les clients, bien sûr, ni devant le patron. Je râlais souvent seule, ou avec mes collègues, mais aussi auprès de cette manageuse.

Râler est une discipline olympique française, héritage de notre Révolution, peut-être d'autant plus dans le milieu pro. Et désormais, cette discipline ne se fait plus en secret, à la machine à café, mais ouvertement, face aux principaux intéressés. Des histoires d’amis prêts à en découdre avec leur manager face à une injustice ou un désaccord, j’en ai des dizaines. Alors sommes-nous tous devenus "impossibles à manager” ?

Pour répondre à cette question, je me tourne vers ma propre expérience. Dans cette même agence, au bout de quelques mois, on me propose un poste de cheffe de projet. Je me retrouve dans une situation délicate : je dois guider une équipe dont les membres sont aussi jeunes que moi. Pire encore : ils sont pour certains devenus des amis.

Me voilà face à mes collègues chéris, à devoir animer une réunion hebdomadaire où je leur demande des comptes sur leur travail. Et devinez quoi ? Je les trouve difficiles à manager aussi. Ils justifient de n’avoir pas pu finir leur tâche par la quantité de boulot que tel autre chef de projet leur a donné. Ils remettent en cause les objectifs fixés. Ils attendent de moi que je les félicite d’avoir finalisé une mission qui a trois semaines de retard. Miroir, miroir.

Tant bien que mal, j’essaie d’appliquer les basiques du management bienveillant. Patience, empathie, reconnaissance. J’essaie aussi de donner du sens aux tâches que je leur confie, y compris quand il est pour moi aussi assez flou. Ironie du sort : je me retrouve à être une bien piètre manageuse, incapable de rattraper les retards accumulés, molle face à mes collègues et démunie devant mon boss.

Et là, ça me frappe. Les jeunes ne sont pas impossibles à manager. Les managers ne sont juste pas à la hauteur de leurs besoins. D’ailleurs, les jeunes veulent être managés - ils sont 72 % à dire qu’un leadership fort est essentiel pour qu’ils se sentent bien dans une entreprise (The Born Digital Effect, Citrix Systems). Mais ils veulent être managés à leur juste valeur.

Or, on ne naît pas manager, et il n’existe pas de guide du parfait manager. Il n’y a que des managers qui essaient, qui échouent, pour mieux créer l’engagement de leurs talents et les faire briller. Chris Argyris, théoricien des organisations, nous donnait dans les années 60 une méthode pour repenser le management : l’apprentissage organisationnel en double boucle.

Actuellement, nos entreprises fonctionnent par apprentissage en simple boucle : le manager détecte un écart entre l’objectif et le résultat ; il ou elle essaie de le corriger en adaptant méthodes et processus. Par l’apprentissage en double boucle, si un écart est constaté plusieurs fois, il s’agit de remettre en question les valeurs qui sous-tendent l’objectif lui-même.

Prenons une comparaison pour éclaircir le propos. Si votre thermostat vous indique qu’il fait 25° chez vous, et que vous continuez à claquer des dents, vous ne remettez pas en question le fait que vous avez froid (apprentissage en simple boucle) : vous vous tournez vers les réglages de votre thermostat (apprentissage en double boucle).

Pour le management, il en va de même. Si tous vos jeunes collaborateurs sont malheureux, peu performants, et s’en vont, inutile de blâmer leur attitude. Revoyez plutôt les réglages de l’organisation : ses valeurs et la manière dont elles sont appliquées au quotidien.

En somme, il s’agit de remettre en question de manière systémique la manière dont on apprend de nos erreurs, en prenant en compte les comportements et les motivations des collaborateurs.

Collaborateurs et managers ne sont alors plus de simples rouages d’une machine qu’il faut faire tourner à tout prix. Ils deviennent les fondements même de pourquoi cette machine fonctionne, et comment elle pourrait mieux tourner.

Pour répondre à la question initiale, voici une hypothèse. Peut-être sommes-nous simplement coincés dans un système obsolète qui nous empêche d’être, plus manageables d’un côté et meilleurs managers de l’autre.  

Et si on redéfinissait ensemble, toutes les générations main dans la main, les valeurs qui sous-tendent le management ? 

Rédactrice RH

Content Manager indépendante, Eléonor a une patte littéraire dans un gant de velours 2.0. Fascinée par les interactions humaines et l’univers du web…

Générations

Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passe dans la tête de vos plus jeunes collaborateurs ? Ou pourquoi vos collègues plus âgés ne semblent pas travailler comme vous ? Appartenant moi-même à la génération des millennials, j’observe avec curiosité les nouvelles interactions humaines. Avec Générations, explorons comment les différentes générations façonnent leur rapport au travail : aspirations, valeurs et modes d’interaction. Une réflexion sur ce qui nous distingue… et ce qui pourrait nous rapprocher.

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