Aux Pays-Bas, un feedback négatif se donne sans détour. Pas d’”axes d'amélioration”, ni de “points de vigilance” comme en France. Votre présentation n’est pas top ? On vous le dit. Votre projet a des failles ? On les pointe directement. Un contraste abyssal avec la culture organisationnelle française, où nous excellons dans l’art de l’euphémisme. Pourtant, dans les entreprises néerlandaises, comme chez Booking, cette franchise brutale accélère l’innovation : les projets avancent plus vite, les équipes sont plus soudées et les décisions se prennent en quelques réunions au lieu de semaines d’atermoiements.
Décrypter le feedback version Pays-Bas
Pour les Néerlandais, un feedback franc et direct est la norme. Pas besoin de tourner autour du pot, arrondir les angles ou diffuser des messages codés. Dans les entreprises, les collaborateurs et collaboratrices structurent leur retour d’expérience avec méthode. D’abord, ils décrivent précisément le comportement ou la situation observée. Puis, ils en analysent l’impact concret sur l’équipe ou le projet. Enfin, ils proposent des pistes d’amélioration claires.
Chez Booking, cette culture du feedback direct est un vrai carburant pour l’innovation. Les employés sont encouragés à exprimer leurs opinions sans filtre, créant un environnement où les idées s’affinent plus rapidement. Dans les processus de l’innovation, le feedback direct favorise l’agilité : on ajuste et on améliore les produits plus rapidement. Et qui dit l’agilité, dit plus de compétitivité dans un marché en évolution rapide. C’est une approche étonnante comparée au management à la française : là où nous manions l’art du sous-entendu, les Néerlandais privilégient la clarté brutale.
Cette différence s’explique par les différences culturelles. Selon Erin Meyer, professeure à l’INSEAD et experte en management interculturel, les Néerlandais opèrent dans un « contexte de communication faible » : tout doit être explicite et non sujet à interprétation. À l’inverse, la culture française inclut davantage de nuances et de sous-entendus dans les interactions professionnelles. Si cette franchise peut déstabiliser les équipes françaises, elle fait pourtant ses preuves aux Pays-Bas : le feedback direct y est devenu un véritable accélérateur d’innovation.
Une franchise qui soude plus qu’elle ne blesse
Aux Pays-Bas, le désaccord n’est pas vu comme une menace, mais une chance de s’entraider et de s’améliorer. Selon Fons Trompenaars, expert en management interculturel, cette approche s’enracine dans la culture même du pays : les Néerlandais valorisent l’autonomie personnelle et considèrent le conflit comme un facteur de progrès dans l’organisation.
L’une des explications de cette franchise, c’est une hiérarchie plus horizontale. Chez Booking, comme dans la plupart des entreprises néerlandaises, la distance entre managers et équipes est minimale. Les leaders sont perçus comme des facilitateurs plutôt que comme des figures d’autorité. Cette structure encourage donc l’expression directe des opinions et des désaccords.
Le résultat ? La dynamique d’équipe devient plus fluide. Comme l’observe Erin Meyer, ce style de management direct permet d’éviter les malentendus et d’accélérer la prise de décision. Car oui, aux Pays-Bas, le feedback est considéré comme un outil constructif plutôt que comme une critique. Résultat ? Les équipes osent davantage innover et prendre des risques.
Le paradoxe français face au feedback
En France, ces pratiques de feedback direct peuvent sembler brutales, voire contre-productives. Notre culture organisationnelle valorise ce qu’Erin Meyer appelle un « contexte de communication élevé » : les messages importants passent souvent entre les lignes, dans une danse subtile de non-dits et de sous-entendus.
Derrière nos silences polis se cache un vrai problème. Selon Fons Trompenaars, là où les Néerlandais voient dans le désaccord une source d’amélioration, nous le percevons parfois comme une menace à l’harmonie du groupe. Conséquence ? Des réunions qui s’éternisent, des décisions qui traînent et des frustrations qui couvent.
Certaines entreprises françaises, notamment dans la tech, commencent à s’inspirer de cette culture de feedback direct, tout comme les filiales hexagonales de grands groupes néerlandais. L’idée n’est pas de copier aveuglément le modèle, mais d’en extraire l’essence : une communication plus directe, centrée sur les solutions plutôt que sur la préservation des égos. Car finalement, la vraie question n’est pas de savoir si nous sommes prêts pour plus de franchise, mais si nous pouvons encore nous en passer quand l’agilité et l’innovation sont devenues une question de survie.