Ce matin c’est le branlebas de combat au bureau. Isabelle est encore absente cette semaine et le manager de Christophe vous annonce que son arrêt maladie est prolongé. Votre priorité : faire votre possible pour gérer ces absences et l’impact qu’elles pourraient avoir sur vos équipes !
Cette situation vous l’avez déjà vécue ? Sachez que ce type d’absence a un nom bien à lui : l’absentéisme perlé.
Dans cet article, on donne la parole à Cécile Prioul qui nous dit tout sur ces absences de plus en plus récurrentes en entreprise, comment les éviter ou bien préparer le retour au bureau.
L'absentéisme perlé, c'est quoi au juste ?
Vous l'avez compris, l’absentéisme perlé, ce sont ces lundis ou ces 3 journées d’absence impromptues en fin de semaine qui désorganisent le plus le travail. La difficulté est grande pour les RH ou la ligne managériale qui doivent gérer au mieux ces absences.
L'absentéisme perlé, une tendance de fond à la hausse...
Depuis 2017 le nombre de jours d’absence par an et par salarié ne cesse d’augmenter. Concrètement, en 2017 un salarié s’absentait 18,6 jours en moyenne par an dans le privé et 33 jours dans le public, en 2020, il s’absente 21,7 jours dans le privé et 49 jours dans le public.
En 2021, l’absentéisme a baissé mais sans retrouver son niveau de 2019.
Le coût de l’absentéisme national divisé par le nombre de salarié-travailleur est estimé à 4 800€ / an.
Les explications à cette augmentation de durée sont multiples. Dès 2018, les experts comme Pascal Gallois, directeur Pactes Conseil prédisait la chose suivante :
Un autre facteur clef est l’allongement de la carrière professionnelle : les départs en retraite plus tardifs majorent la fréquence de cohabitation avec les maladies chroniques évolutives et les douleurs dues aux troubles musculosquelettiques.
Chez les plus jeunes, les sociologues précisent :
- Les familles monoparentales ayant souvent du mal à concilier la charge d’éducation des enfants, l’organisation de la sphère privée et la vie professionnelle.
- Les salariés aidants qui doivent s’occuper de leurs aînés, de proches malades ou handicapés.
- La suite d’arrêts longs : 1 salarié sur 2 s’arrête à nouveau à la suite d’un arrêt initial de plus de 90 jours. En effet, lorsque la reprise ne se passe pas bien, le collaborateur peut avoir l’impression de ne pas retrouver sa place ou sa contribution à la création de valeur dans l’équipe de travail. Les chiffres montrent des arrêts courts et fréquents dans l’année qui succède la reprise et dans les années qui suivent. Le chiffre de 17 jours/ an en 3 arrêts est avancé.
D’autres éléments d’explication sont à trouver dans la rigidité de l’organisation du travail (le manque de perspective et la perte du « bon sens » du travail) et, pour finir, à la banalisation de l’absentéisme.
... mais depuis la crise Covid, l'absentéisme perlé évolue
Depuis la crise sanitaire des changements apparaissent : le nombre des arrêts de courtes durées (1 à 3 jours) a considérablement diminué. On peut penser que la généralisation du télétravail soulage les familles monoparentales ou encore les aidants dans leur double-organisation travail et soutien de famille. Par ailleurs, pour les salariés ayant besoin d’un suivi médical, le télétravail apporte une souplesse à l’imbrication des rendez-vous médicaux avec le planning professionnel.
Une nouveauté : les cadres encadrants sont touchés par des arrêts de travail longs (plus d'un mois). Cette catégorie professionnelle était jusqu'à maintenant épargnée par l'absentéisme long. Toutes les enquêtes sur le moral des travailleurs menées régulièrement par les différents baromètres témoignent d’une charge mentale forte et de troubles psychologiques depuis l’après crise.
Une nouvelle tranche d'âge est désormais aussi touchée : les moins de 35 ans qui connaissent plus d’arrêts, l’augmentation entre 2019 et 2021 est de 11,6%. L’origine se situe comme pour les cadres sur le stress chronique et les troubles psychologiques induits.
Absentéisme perlé, quels sont les risques ?
Les difficultés de recrutement n'épargnent aucun secteur d'activité. Alors que des besoins de main d'œuvre et de ressources sont bien réelles, les personnes présentes sont sur-sollicitées, elles compensent les postes vacants et les absences maladies. Ainsi il est prouvé qu'un service qui connaît de nombreux arrêts non remplacés va, avec le temps, connaître encore plus d'arrêts : un cercle vicieux de l'absentéisme se met en place.
Face à cette progression de l’absentéisme, certains mettent en place :
- un contrôle médical au domicile de l’absent;
- des appels téléphoniques non coordonnés entre les différents acteurs;
- une grille d’entretien de ré-accueil très formalisée.
Souvent initiées pour traquer les abus, ces approches n’atteignent pas leur objectif. A posteriori, à la lecture des indicateurs de l’absentéisme des entreprises, les résultats sont d’ailleurs reconnus insatisfaisants. En outre, les bénéficiaires perçoivent ces agissements comme répressifs, pouvant parfois entraîner un climat social tendu alors même que les diagnostics par autoévaluation dénombrent seulement 2% des motifs d'arrêts pour convenances personnelles.
D’autres démarches se centrent sur l'apport de connaissances et sur la compréhension de la situation rencontrée ; un point de vigilance étant de ne pas confondre compréhension avec compassion.
6 conseils pour bien préparer le retour au bureau
Pour le manager la préparation d’un retour réussi d’un collaborateur, avec le soutien des RH, repose essentiellement sur une posture d’écoute qui va lui permettre de comprendre ce qu’a traversé son collaborateur et l’état dans lequel il revient : en vulnérabilité au moment du retour mais avec, aussi, de nouvelles forces.
Par exemple, une personne qui combat un cancer développe de nouvelles compétences, avec entre autres ; l’acculturation aux termes médicaux et au monde du soin, la prise de recul ou encore la capacité à prendre des décisions dans un environnement incertain.
Durant cette épreuve, cette personne a traversé différentes étapes. En effet, les personnes qui connaissent des aléas de santé vont passer par le choc du diagnostic avec une phase de sidération souvent suivie par une apparence de déni : par exemple, la personne veut se prouver que son état ne nécessite pas un arrêt. Les soins et la succession des étapes transforment la psychologie de la personne. Au moment du retour au travail, ce n’est pas le même collaborateur que l’entreprise va réintégrer.
Des bonnes pratiques - parfois très simples - vont permettre de sécuriser ce retour.
1. Pendant l'arrêt, gardez le contact
Pour ne pas être intrusif, trouvez des alibis : par exemple, communiquez une information générale par téléphone ou par mail. Ou encore par SMS une photo de l'équipe, une décoration, un changement d'intérieur. Avec l’équipe, trouvez des idées d'attention à porter à votre collaborateur : par exemple sur une maternité un petit cadeau. N’hésitez pas à aller chercher l’idée du cadeau auprès de la jeune maman absente et à déléguer l'achat à l’équipe. Sachez vous adapter à l’envie du collaborateur de rester ou non en contact avec son service.
2. Introduisez des marques de personnalisation dans vos échanges
La personnalisation est une vraie marque d’attention et renforce le lien de confiance entre vous et votre collaborateur qui l’amènera à vous faire part plus facilement de ses craintes, de ses contraintes… Ainsi, pour un retour de maternité, pensez à retenir le nom du bébé. Sur des retours de maladie qui vont nécessiter des contrôles, notez sur votre agenda les dates. Demandez des nouvelles sans être intrusif.
3. Répertoriez les changements
Listez toutes les informations qui pourraient être utiles à votre collaborateur sur ce qui s’est produit pendant son absence : changement de politique générale, changement dans l'organigramme, changement d'outils informatiques qui vont nécessiter de mettre en place des formations, du tutorat, des rencontres, … L’entreprise investit beaucoup sur l’« onboarding ». De fait, le retour d’un arrêt long doit être vu comme un «re-onboarding ». Vous pouvez naturellement associer l'équipe à cette tâche.
4. Investissez dans la préparation du retour
Vérifiez que le matériel va bien être présent et opérationnel (rééditez les codes d’accès). Fixez avec votre salarié l'horaire de l'accueil. Imaginez avec votre équipe le rituel d'accueil (le café - les croissants). L’anxiété du retour dans l’enceinte de l’entreprise est souvent liée à la crainte de croiser de nombreux collègues, proposez d’aller chercher la personne à l’accueil lors de son arrivée. Le temps que vous consacriez à cette préparation en amont sera du temps gagné par la suite.
5. Adaptez le rythme de la reprise
En collaboration avec la médecine du travail et les RH, un rythme de travail va être fixé. En tant que manager, vous allez définir la charge de travail en adéquation avec ce rythme. Il vous faut être très attentif à ce que votre collaborateur ne se décourage pas : ainsi pour la première semaine prévoir des tâches adaptées. Prévoir aussi des points réguliers pour accompagner la montée en charge progressive. Dans le cas d’un temps partiel, soyez vigilants à ce que l’organisation retenue permette au collaborateur d’être présent sur les temps collectifs.
6. Associez l'équipe
C’est essentiel. Communiquez avec elle avant le retour pour faire exprimer les craintes et les lever mais aussi pour accompagner au mieux le retour du collaborateur : qui assurera l’accueil ? qui assurera le tutorat ? … ? Partagez aussi avec eux la manière de communiquer avec leur collègue : compréhension plutôt que compassion.
Aussi, accompagner les protagonistes de cette reprise est une action concrète de politique RSE. Dans tous les cas, l’instauration d’un dialogue ouvert et bienveillant est une clef pour accompagner une reprise qui ne conduira pas à des rechutes ni à de nouveaux arrêts perlés.
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