Vous avez peut-être déjà vu cette statistique : 47% des salariés, soit quasiment un salarié sur deux, sont en détresse psychologique (étude menée par le cabinet conseil Empreinte Humaine). Cette crise sanitaire n’est pas sans conséquence et les entreprises doivent en être conscientes : le confinement a creusé les inégalités entre salariés et ces derniers l’auront tous vécu différemment. Alors comment s’assurer du bien-être des collaborateurs à distance et comment faire en sorte qu’ils vivent au mieux le retour au bureau ? Fabienne Broucaret, experte en qualité de vie au travail (QVT) et fondatrice du webzine My Happy Job répond à nos questions et nous donne ses meilleurs conseils.
Les 4 clés de Fabienne pour préserver le bien-être de vos salariés à distance :
- Une communication fréquente et transparente : par oral ou par écrit, celle-ci permet de rassurer vos équipes, même si vous ne pouvez pas donner toutes les réponses aujourd’hui. Soyez simplement authentique.
- Manager à distance : les managers doivent avoir un rôle d’accompagnateur. Ils ont tout intérêt de faire preuve d’écoute active, de prendre la température auprès des équipes et d’essayer d’améliorer leur quotidien.
- Continuer les actions de QVT interne à distance : par exemple des ateliers, des conférences en visio comme des séances de sophrologie, de méditation mais aussi des podcasts ou des articles. Maintenir ces petites actions permet d'améliorer le bien-être individuel des salariés à distance.
- Ne surtout pas penser que le retour au bureau est la fin de cette crise et règlera tout. Au contraire, il y aura de nouveaux signes de stress ou d’anxiété chez les collaborateurs au moment du retour sur les lieux de l’entreprise. Certains auront très bien vécu le confinement, d’autres pas du tout. Il est important de prendre du recul et d’anticiper tout ça.
Les conseils de Fabienne pour un retour réussi :
- Prendre le temps pour échanger : ce confinement aura été éprouvant pour la majorité de vos salariés, qu’ils aient été en chômage partiel ou non, avec enfants ou non. Il faut consacrer une demi-journée ou une journée entière au moment du retour pour échanger avec chacun d’entre eux, les écouter et remonter les craintes et les éventuels problèmes. Imaginez les solutions ensemble. Faites le point sur les + et les – de la situation passée et identifiez les processus à revoir. Vous pouvez par exemple envoyer un sondage en interne ou faire des entretiens de ré-accueil individuels ou en équipe.
- Faites preuve de reconnaissance envers vos collaborateurs : complimentez-les et remerciez-les. Selon l’auteur Jean-Pierre Brun, il y a 4 formes de reconnaissance au travail :
- Reconnaître la personne : une conception existentielle. La conception humaniste et existentielle s’intéresse aux personnes en tant qu’êtres singuliers.
- Reconnaître les résultats : l’approche comportementale. L’approche comportementale s’intéresse aux résultats effectifs, observables, mesurables et contrôlables du travail. (Pas opportun aujourd’hui, pas prioritaire)
- Reconnaître l’effort : la perspective subjective. Les résultats ne sont pas forcément proportionnels aux efforts fournis. Dans un marché déprimé, les salariés peuvent redoubler d’efforts sans que les résultats suivent.
- Reconnaître les compétences : la perspective éthique. La perspective éthique s’intéresse aux compétences de l’individu, aux responsabilités individuelles, au souci qu’il porte à autrui, etc. La qualité de la relation est mise en avant.
- Agir sur la prévention des risques psycho-sociaux (RPS) : cette crise est encore un long marathon. Il est important de préserver vos équipes du burnout (charge trop importante), du blurring (frontière poreuse entre vie pro et vie perso), de la perte de sens du travail... Renforcer votre prévention RPS, c’est essentiel pour la pérennité de votre entreprise.
Bon à savoir : L'employeur se doit de tenir à jour son Document Unique d'Evaluation des Risques Professionnels (DUERP) dès qu'il en est nécessaire. Dans le contexte de crise sanitaire, il est nécessaire de le mettre à jour.
Vous n'avez pas encore de DUERP ? Pourtant, il fait parti des documents obligatoires qu'une entreprise doit posséder :
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1. Vous dites de prendre le temps d’échanger avec les collaborateurs. Quand et comment avoir des temps d’échanges avec les collaborateurs ?
Au-delà des réunions hebdomadaires que peut-on mettre en place pour encourager les échanges ?
Voici ce je propose :
- Mettre en place des rituels : un jour sur deux, pauses café le matin à 10h par exemple. Il est important de créer une récurrence pour donner une dynamique, une habitude avec vos équipes.
- Créer des échanges informels lors d’apéros en visio en fin de journée ou aux pauses café virtuelles. Vos salariés ont été coupés du lien social, les échanges non professionnels font du bien et montrent votre bienveillance.
- Ne pas oublier les célébrations : anniversaires, naissances, réussite professionnelle... Toute victoire ou jour particulier est l’occasion d’induire du positif dans le quotidien des collaborateurs et ce, même à distance.
- Profiter de ces moments informels pour partager les inquiétudes de chacun. Ces moments informels laisseront paraître les inquiétudes et les difficultés que rencontrent vos équipes, soyez-y attentifs.
- Solliciter les managers à prendre un contact régulier au téléphone avec chacun des collaborateurs. Les salariés doivent sentir que leur manager est à l’écoute et s’intéresse à son équipe. La confiance ne sera que plus importante.
- Pour donner le sourire et remonter le moral, proposer de citer 3 choses positives qui se sont passées dans la journée lors de vos points en équipe ou individuels.
NB : Attention cependant à ne pas trop multiplier les moments d’échanges pour éviter d’envahir et ajouter une charge mentale à vos équipes.
2. Comment mesurer le bien-être et le moral de mes équipes ?
- Proposez un baromètre/météo d’humeur aux collaborateurs. Invitez-les à indiquer/voter leur humeur/moral régulièrement à l’aide d’outils comme Eurécia par exemple. Cela permet de remonter le ressenti des équipes et d’envisager des actions en fonction.
- Des sondages en interne. Beaucoup de prestataires proposent des questionnaires adaptés à la crise et offrent leurs services le temps du confinement, profitez-en !
3. La majorité des collaborateurs ne participent pas aux actions mises en place par l’entreprise, comment faire pour mieux les engager ?
Premièrement, essayez de comprendre pourquoi l’action proposée n’a pas eu le succès attendu : est-ce une question d’horaire, de charge de travail trop importante ou simplement le concept ?... Pour inciter vos collaborateurs à participer, je vous conseille de créer des moments ludiques : lancez des challenges vidéos, photos ou encore sportifs et faites participer toute l’entreprise. Précisez que les enfants de vos salariés peuvent s’y greffer. Et ciblez vos actions par thématique : évitez la généralité et proposez par exemple une activité autour des parents.
4. Comment s’assurer que les salariés déconnectent ?
Il arrive de voir des mails envoyés à 23h48 un samedi soir... Et pour le bien des salariés et de la performance générale de l’entreprise à long terme, il est important qu’ils déconnectent. Voici les conseils de notre experte :
- Poser des règles communes à tous et décidées ensemble. Dresser une charte : Pas de mail le weekend, entre telle heure et telle heure...
- Montrer l’exemple : vous et les managers doivent faire preuve d’exemplarité ! Libre à vous de continuer de travailler tard le soir mais dans ce cas, pensez à programmer vos mails pour un envoi le matin.
- En toute bienveillance, faire un point avec les individus qui déconnectent rarement. Identifiez ensemble (manager et salarié) ce qui est important, urgent... Aidez-les dans la gestion de leur temps et la priorisation des tâches.
- Déculpabiliser : rassurez et encouragez vos équipes à prendre des pauses régulièrement. Encore une fois, nous avons attaqué un marathon il va falloir tenir sur la durée, ménagez-les !
5. Comment gérer les profils fragiles et angoissés ?
Les inquiétudes des salariés sont légitimes en cette période de crise. Il est important de les entendre et d’agir en conséquence. Voici ce que je conseillerais :
- Être à l’écoute : tendez l’oreille, montrez que vous entendez ses craintes.
- Identifier les points de craintes et d’anxiété : posez des questions et reformulez ses réponses afin de définir ensemble les points d’inquiétude.
- Essayer de trouver ensemble les solutions
- Se rapprocher de votre médecine du travail, d’un expert ou une association qui pourront vous aider à trouver des solutions et proposer des consultations au salarié concerné.
6. Quel discours avoir auprès des salariés qui ne souhaitent pas revenir dans les locaux ?
Cette situation ne sera pas rare surtout ces prochains jours. Je conseille alors de procéder par étape :
- Comprendre les craintes : transports en commun, aménagement des bureaux, hygiène, garde d’enfants... Elles sont nombreuses et souvent bien différentes d’un salarié à l’autre.
- Identifier quel intérêt ont les salariés de revenir : trouvez des arguments, des avantages à ce que les équipes reviennent. Par exemple, réunion d’équipe, demi-journée d’échanges...
- Faire preuve de pédagogie : dressez un document répertoriant toutes les actions/mesures mises en place pour pallier les risques. Communiquez auprès de vos équipes et rassurez-les.
- S’adapter et faire du sur-mesure : 1 jour de présence par semaine, réaménager les bureaux ou les horaires... Faites-en sorte que tous vos salariés y trouvent leur compte, que les contraintes soient écartées et qu’ils soient sereins à l’idée de revenir travailler dans votre entreprise.
Les fonctions RH sont au cœur de la gestion de crise du Covid-19. Pour mieux comprendre les enjeux RH de la crise sanitaire et les manières dont on peut y faire face au quotidien, nous avons donné la parole à des hommes et des femmes de terrain.
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