Entre biberons et bilans : le congé maternité des cheffes d’entreprise

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Il y a quelques années, j’ai lu par hasard un article qui m’a beaucoup marquée. Une gérante d’entreprise devait rembourser l’intégralité des indemnités reçues pendant son congé maternité, car la Sécurité Sociale avait découvert, via ses réseaux sociaux, qu’elle continuait à travailler.  

C’est parce que j’avais cet article bien en tête, même des années plus tard (et aussi bien sûr pour profiter pleinement de mon bébé) qu’à partir du 10 juillet 2024, jour officiel de mon congé maternité, j’ai totalement arrêté de travailler.

Je l’avais évoqué avec mon associée bien en amont, et nous avions beaucoup travaillé au préalable pour préparer le plus sereinement possible cet arrêt total de presque 4 mois.

J’avais imaginé une reprise sur les chapeaux de roue, pleine de nouvelles idées, d’énergie… Mais les choses ne se sont pas déroulé comme je le pensais. Quoique. On pourrait effectivement parler d’une « reprise sur les chapeaux de roue ». C'est "les chapeaux de roue", une liquidation judiciaire.  

Je me suis retrouvée au tribunal de commerce avec ma fille de trois mois dans le porte-bébé.  

D’ailleurs, les liquidateurs ont trouvé qu’elle avait été particulièrement sage. Ce à quoi j’ai répondu « vous voyez Messieurs, je n’ai pas tout raté ».  

Ce congé maternité réel, que j’ai pris comme si j’étais salariée, a signé la fin de mon entreprise.

Car ma petite agence, qui fonctionnait jusqu’à présent avec trois personnes à temps plein (mon associée, notre salariée en alternance et moi-même), n’a pas supporté de passer à deux. Nous n’avions pas les moyens d’embaucher un profil senior pour me remplacer. Alors, nous avons dû nous rendre à l’évidence et tout arrêter.  

J’avais respecté à la lettre l’engagement que j’avais pris auprès de la Sécurité Sociale : ne pas travailler pendant la durée de mon congé maternité.  

Il était hors de question pour moi de prendre le risque de devoir un jour rembourser les milliers d’euros d’indemnisation perçus pendant ces quatre mois. Lorsque l’on coche toutes les cases pour en bénéficier, cet argent est le bienvenu, évidemment.

Mais que se serait-il passé si j’avais pu, de temps en temps, apporter un peu de ma force de travail à mon équipe ? Aider mon associée alors qu’elle se retrouvait pour la première fois seule à piloter le navire ?

Nous n’aurons jamais la réponse, bien que j’ai ma petite idée. Car je suis entourée de dirigeantes ayant des enfants en bas âge, et je peux vous l’assurer : rares sont celles qui arrêtent vraiment de travailler pendant leur congé maternité. Elles sont essentielles au bon fonctionnement de l’entreprise qu’elles ont fondé ou co-fondé, et pour laquelle elles se battent chaque jour depuis des années.

Je ne connais pas une seule cheffe d’entreprise qui a vécu un congé maternité serein.

Je pense à celle qui m’a raconté qu’elle préparait le bilan comptable de son entreprise, entourée de classeurs sur son lit d’hôpital, alors qu’elle était en menace d’accouchement prématuré. 
Je pense à celle qui a dû revenir au travail du jour au lendemain avec son bébé dans les bras, car les problèmes de trésorerie ne lui ont pas laissé le choix.  
Je pense à celle qui a repris son activité trois semaines après son accouchement, car l’indemnisation de la Sécurité Sociale était largement inférieure à ce qu’elle gagnait habituellement. 
Je pense à celle qui a dû gérer l’abandon de poste d’une salariée le jour de la naissance de son premier enfant.

Entreprendre, c’est sauter d’un avion et construire soi-même un parachute pendant le plongeon.

Et si pendant cette période aussi intense que vertigineuse, on offrait pour une fois aux dirigeantes un parachute solide et sûr ?  

 

Cet article a été rédigé par Sophie Franco

Communicante et rédactrice

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